La pratique de l’ultra trail : un grand pas pour le développement personnel.

Le printemps arrive ! Et avec le printemps, en général une nouvelle énergie.

L’arrivée du printemps annonce souvent le début de la saison des trails et des ultra-trails, course à pied en pleine nature sur longue distance, emmenant ses adeptes sur des sentiers montagneux et fortement dénivelés en montagne. (Même si cette discipline se décline aussi en hiver comme la célèbre Saintélyon).

Les inscrits à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), le plus célèbre Ultra Trail de France qui a lieu à la fin Août accumulent les kilomètres d’entrainement en participant à des trails de plus faible distance proposés dans toutes les régions où les montagnes cohabitent avec les plaines.

Trails et ultra-trails, peu nombreux et réservés aux experts, il y a quelques temps, sont devenus des courses pratiquées par un grand nombre désormais.

En effet, depuis une dizaine d’année ce phénomène ne cesse d’attirer des personnes venues de tous horizons et suscitent des passions grandissantes. L’Ultra-trail du Mont-Blanc (course partant et arrivant à Chamonix en faisant le tour du Mont-Blanc) en est la preuve même, étant passé de seulement 711 participants en 2003 à plus de 5’500 concurrents en 2010.

En France, chaque année, de nouveaux parcours enrichissent régulièrement l’offre déjà bien fournie de trails et d’ultra-trails, où plus de 800 courses sont proposées chaque année aux mollets entraînés. Des courses allant de 50 km à plus de 150 km avec un dénivelé positif (D +, dénivelé à gravir) allant de 3 000 m à 10 000 m.

J’ai fait partie de ces passionnés ayant participée à de nombreuses courses de montagne et notamment à la célèbre course CCC, dite « demi-tour » du mont-blanc, partant de Courmayeur, passant par Champex le Lac et arrivant à Chamonix. Elle proposait à l’époque un parcours de 86km et plus de 4’500 m de dénivelé positif avec des passages de cols à plus de 2500 m d’altitude. Cela a été ma plus grande distance parcourue et une de mes courses les plus éprouvantes physiquement et moralement.

Qu’est-ce qui nous motive à affronter de tel dénivelé et qu’apprend on de ces courses ?

Aujourd’hui l’ultra-trail est devenu un terrain de jeu des chercheurs qui participent eux-mêmes à ces courses pour comprendre les stratégies du corps humain lorsqu’il est fortement sollicité ! Chercheur en physiologie du sport, Grégoire Millet nous partage « Les coureurs qui pratiquent l’ultra-endurance sont des sujets idéaux pour comprendre comment le corps humain arrive à mettre en place des stratégies pour rester performant malgré un état de fatigue et de stress extrême ».

Alors que pouvons-nous apprendre de cette pratique de course à pied intense sur les sentiers montagneux?

Savoir écouter son corps, savoir nourrir son mental, prendre conscience de sa résilience

Dans un trail et encore plus dans un ultra-trail, la frontière entre performance et abandon est extrêmement ténue. Qu’est-ce qui fait que l’on ne va pas abandonner ?

Savoir écouter son corps

Gérer l’effort dans le temps est primordial.

Or gérer l’effort nécessite de connaître nos limites, en termes de fatigue. Cela signifie connaître notre rythme de croisière, celui qui nous permet de tenir la distance et connaitre nos fluctuations possibles.

Cela n’est possible que si l’on sait écouter notre corps et traduire les signes qu’il nous envoie.

Cette connaissance n’est pas possible sans entrainement et observation de soi. Il s’agit d’affuter nos capteurs avant de se lancer dans un ultra-trail !

Savoir nourrir son mental

Une autre composante importante dans la réussite d’un trail est l’alimentation. Savoir nourrir correctement son corps pour le recharger en énergie est gage de performance durable dans une telle course! Quoi prendre et quand le prendre, cela n’est pas aussi facile que l’on croit et bon nombre de personnes peuvent en témoigner.

Mais quand on parle de s’alimenter, il s’agit de ne pas oublier notre mental !

Je vous partage une de mes expériences où j’ai appris énormément en ce qui concerne l’impact du mental sur le corps.

Ce fut pendant la course CCC.

Arrivée au km 70, je ne pensais pas pouvoir poursuivre la course, m’imaginant avoir atteint ma limite de fatigue extrême. Je me rappelle très clairement ce moment. Il était extrêmement clair dans ma tête en ce moment précis que je ne pouvais continuer à mettre un pied devant l’autre.

Cela se passa au dernier ravitaillement.

Je me souviens avoir demandé à trois reprises aux organisateurs de la course de prendre mon dossard, symbole de mon abandon et je me souviens d’avoir reçu trois refus avec l’argumentation qu’un peu de repos me ferait y voir plus clair. J’avais relativement de l’avance sur les barrières horaires définies pour poursuivre sereinement cette aventure.

Comment suis-je parvenue à remonter la pente de ma motivation pour continuer ?

Aujourd’hui je me l’explique clairement, ayant bien avancé dans la connaissance de soi. A l’époque, j’étais au tout début de ce chemin.

Ce qui m’a fait passer d’une extrême fatigue avec la croyance de ne pouvoir continuer à une fatigue raisonnable et l’espoir de pouvoir recourir, ce sont tous les actes que j’ai posés ce jour-là : appeler mon cher et fervent supporter : mon mari, lui prouver par A+B que je ne pouvais continuer, m’entendre dire combien il croyait en moi et combien il me soutenait, l’entendre me dire aussi qu’il serait là à l’arrivée et même qu’il courrait avec moi pour les cinq derniers km,…

A cela, un soutien moral des organisateurs, un coup d’œil autour de moi pour voir combien je n’étais pas seule dans ma fatigue, beaucoup de doses de café, et me revoilà requinquée, comme si je n’avais point 70 km dans mes jambes !

Et aujourd’hui j’ai dû mal à le croire mais j’ai couru pendant les 16 derniers km, les jambes lourdes certes mais toujours là pour me soutenir.

Dans ces courses-là, non seulement le corps est mené à rude épreuve mais également l’esprit. Même super entrainé physiquement, si notre mental n’est pas lui aussi nourri correctement, l’abandon est proche. Savoir ce qui marche pour nous requinquer est salvateur.

La stratégie que j’ai adoptée dans cette course, c’est une stratégie que j’adoptais régulièrement mais dont je n’avais pas réellement conscience.

La nourriture de mon moral, c’est le lien que j’entretiens avec les personnes. Sentir leur soutien comme celui de mon mari, qui était toujours présent lors de mes courses, au bout du fil et à l’arrivée des courses ou celui de mes amis qui, même en pleine nuit, m’envoyaient des sms de soutien ou encore mes compagnons de course à pied qui partageaient le départ et les premiers kilomètres. Je n’oublie pas aussi le plaisir de partager avec les autres coureurs,  nos souffrances, nos espoirs, nos réussites.

A chacun de définir ce qui sera le plus « nourrissant » pour lui.

Prendre conscience de notre capacité à rebondir

Ce que j’ai vécu lors de la CCC, c’est aussi la prise de conscience de notre capacité à rebondir même si nous nous  en croyons incapables.

J’ai pensé toucher le fond au bout de 70 km, je l’ai certainement touché et j’ai expérimenté la poussée qui nous permet de reprendre espoir et d’éprouver la sensation de « renaître ».

Peut-on parler de résilience ? En psychologie, la résilience est la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité.

En dépit d’utiliser la bonne terminologie, il est intéressant pour chacun de nous, de savoir de quelle capacité de rebond nous faisons preuve face à l’adversité et plus particulièrement lorsque nous croyons avoir touché le fond.

 

L’objectif pour cible, une stratégie des petits pas et l’émergence pour règle de vie

L’objectif pour cible

Quand on se prépare pour une course de ce type, il est logique de construire sa cible : c’est-à-dire la performance que l’on souhaite réaliser, sous forme de chrono.

Comment pouvons-nous le définir ?

Grâce aux différents étalonnages réalisés lors des entrainements et confirmés lors des courses de préparation : tant de km, avec tant de dénivelé positif, cela donne tant d’heures et minutes.

Et suivant le challenge que l’on se donne, cette donnée étant fortement dépendante de notre affect vis-à-vis des chronos !

Une stratégie des petits pas

Malgré tout, il n’est pas recommandé de démarrer une course avec uniquement un objectif final en tête car comment savoir où nous en sommes au cours de l’effort ?

Ne pas être en capacité de mesurer notre performance tout au long de la course peut être fatal à notre motivation. C’est comme si l’on vous proposait de manger un éléphant tout entier sans le découper en morceaux et que vous ne savez pas où vous en êtes au fur à mesure de votre challenge culinaire.

Ainsi pour sécuriser l’atteinte de notre objectif, il est plus sûr de découper celui-ci en sous-objectifs et de définir des chronos intermédiaires. Il est très facile de le faire dans les ultra-trails qui se composent généralement de plusieurs cols à franchir. Cela va nous permettre d’adopter une stratégie de petits pas, en définissant des chronos correspondant au franchissement de chacun de ces cols, avec la même règle que l’on s’est fixée : en fonction des km et du dénivelé et en tenant compte en plus de la fatigue accumulée à chacun des km supplémentaires.

Chaque passage de chacun des cols et le regard porté sur le chrono va nous aider à évaluer si nous sommes ou pas sur la bonne trajectoire. A nous de rectifier cette trajectoire, si l’on en est capable, et de gérer notre effort en conséquence, en fonction de la distance restant à parcourir et de notre sensation de fatigue corporelle.

L’émergence pour règle de vie

Même si définir un objectif et adopter la stratégie des petits pas portent souvent ses fruits, il est important de ne pas oublier ces deux règles de vie que « tout peut évoluer » et que « nous n’avons pas la maîtrise sur les éléments extérieurs ».

La montagne, la nature et la météo réservent bien des surprises. Tout peut évoluer, se transformer. Certains tracés peuvent être accidentés, le beau temps et la chaleur peuvent faire place à la pluie et le froid. C’est pour cela qu’il faut savoir s’adapter très vite, adapter son rythme ainsi que son équipement tout au long de la course.

Anticiper certes le mieux que l’on peut mais surtout agir au plus tôt dans l’accueil de cette émergence. Ne pas se couvrir par exemple alors que la température est descendue de plusieurs degrés peut conduire à l’abandon, car il est très dur de se réchauffer lorsque le corps est sollicité dans un effort soutenu. Ne pas boire suffisamment alors que la chaleur est montée, c’est tout aussi dramatique pour nos performances, nous savons qu’une déshydratation de 3% réduit notre capacité physique de 20%.

Il est aussi important de savoir recalculer sa cible en temps réel, afin d’éviter le risque d’un abandon prématuré par déception anticipée.

Savoir accueillir les changements et leurs conséquences, apprendre de ces changements et ne pas remettre en cause notre finalité, mais remettre en cause le chemin et les moyens de l’atteindre et s’accorder le droit à l’échec.

 

En conclusion,

Nous constatons que pratiquer ce sport ne se limite pas à une dimension physique. C’est bien plus que cela. C’est beaucoup et surtout une question psychologique, mentale.

Continuer dans un tel sport,

C’est approfondir la connaissance et la conscience de ce qui nous réussit, ce qui nous affaiblit physiquement et mentalement et de ce qui nous permet de rebondir.

C’est savoir développer et maîtriser des stratégies de réussite et savoir apprendre de nos échecs.

C’est savoir s’adapter très vite à notre environnement pour continuer à y évoluer sereinement.

Et c’est enfin, chercher à se surpasser et dépasser ses propres limites, c’est aimer se lancer des défis !

Il n’y a qu’un pas à transposer cette démarche à notre vie de tous les jours. : Apprendre à mieux nous connaitre pour surmonter les aléas de la vie, les échecs, les injustices et pour développer notre résilience.

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